Viveka

Evian: faut il négocier comme le général de Gaulle ?

Les accords d’Evian…Faut il négocier comme le général de Gaulle ?!

Voici une archive audio exceptionnelle qui reprend un échange téléphonique inédit entre le Général de Gaulle,  Michel Débré et les 3 négociateurs français des accords d’Évian .

 https://twitter.com/Gaullisme_Fr/status/1687123048435011585

 Quelles leçons peut-on en tirer ? Quelle analyse peut-on porter à l’écoute de ce document ?

 « Mon Général « est un des rares hommes politiques français à faire encore aujourd’hui l’unanimité sur son action. « Tout le monde a été, est ou sera gaulliste », l’adage continue de se vérifier.

 Outre la force de caractère qu’il a su déployer dans la seconde guerre mondiale, l’une de ses grandes négociations a été de mettre fin à la guerre d’Algérie en signant les accords d’Evian. Quelles leçons en tirer ?

 Sur la forme, le respect quasi obséquieux de son entourage est impressionnant.

 Certes, De Gaulle écoute, pose des questions ouvertes, fait le tour de table, mais son instruction finale est pré rédigée. Il la dicte comme à des écoliers ! Inconvénient : il n’est pas possible de challenger une autorité aussi descendante. Si un PDG faisait cela, il se couperait de la créativité de son équipe.

 On entend les difficultés autour des différences culturelles entre français et algériens, un classique des négociations interculturelles, qui nécessitent de bien connaitre les ressorts de la culture de ses interlocuteurs.

 On entend aussi le recours à la tactique de l’autorité limitée du FLN (« je peux pas signer ça, il faut d’abord que j’en parle à…. »), classique du genre, qu’il faut savoir contrer.

 Comme dans toute négociation, il y a une nécessité d’être clairvoyant sur ses Enjeux. On voit que les enjeux français sont perçus comme étant limités à 5 points clefs

–          La situation des Européens sur place (et ce sera un échec complet : départ massif)

–          Un cesser le feu (échec partiel)

–          Le maintien des bases militaires pour 15 ans (mais départ 6 ans après, en réalité)

–          Un intérêt pour l’exploitation du pétrole et du gaz (il reste discret sur le sujet, mais l’Algérie reprendra vite son autonomie sur ce sujet)

–          De bons rapports franco-algériens à l’avenir (la relation connait des hauts et des bas, mais elle a été globalement préservée)

 La stratégie poursuivie est d’établir les grands principes et de mettre les détails en annexes, voire de ne pas s’y intéresser. Pour de Gaulle, il n’y a rien à perdre, en fait, il ne perçoit pas les français comme dépendants des algériens. Mais quid des garanties de cet accord ? Quid des harkis ? Et quelles autres parties n’ont pas été invitées au débat ? L’OAS a failli tuer de Gaulle par la suite.

 On entend aussi une réflexion sur la communication autour de l’accord : le peuple français et les médias sont bien sûr des parties prenantes de cet accord, ce qui est une particularité des accords internationaux, ils sont souvent connus du public, contrairement aux accords privés entre deux sociétés. Et il faut gérer la perception de l’opinion.

 Dans le rapport à l’autre, composante essentielle d’une négociation, les négociateurs montrent d’une condescendance certaine, ils voient les choses sous le prisme « ils ont plus besoin de nous, que nous d’eux. Si ça ne marche pas on reprend nos billes… ils ne peuvent pas se passer de nous, un chaos algérien ne nous toucherait pas, etc », toutes choses qui sous un angle géostratégique ont été totalement contredites. De ce point de vue, pas de clairvoyance. La déstabilisation de l’autre rive de la méditerranée affecte bien la France.

 Evian, c’est l’histoire d’un accord très mal appliqué et qui s’est fini par l’exode dans une pagaille indescriptible de 1M d’européens, suivi de façon assez paradoxale par l’immigration de plus de 2 M d’algériens en France.

 Donc quels que soient les accords qu’on peut signer, et les approches mises en jeu,  « win-win », ou en cherchant à maximiser son gain, c’est ce qui se déroule APRES la négociation et donc après l’accord qui est essentiel.

 Si on regarde le traité de Versailles, Foch dit que c’est un armistice pour 20 ans, Keynes que c’est inapplicable économiquement et Bainville décrit dès 1921 dans un ouvrage visionnaire les 20 années qui vont suivre… et se finir par une autre guerre.

 Il y a une vraie réflexion à avoir sur qu’est-ce qu’un bon accord, et pour cela, il faut se projeter dans le futur (pas facile), avoir des gens qui ne sont pas tous aux ordres, et se débarrasser des prismes réducteurs.

Les accords d’Évian, avec leurs succès et leurs échecs, rappellent l’importance de se projeter au-delà de la négociation. Un bon accord ne s’arrête pas à sa signature ; il envisage l’avenir et les interactions continues entre les parties. Il faut pour cela une compréhension profonde des intérêts de chacun. Cette archive nous invite à réfléchir sur l’essence d’un bon accord et sur l’importance de préparer l’après-négociation, un principe fondamental dans tout contexte de négociation.

 Et pour cela, l’usage du GPS de négociation permet de regarder la situation aussi du point de vue de nos interlocuteurs : leurs enjeux, leur urgence et leurs solutions de rechange !

 

Retour en haut